Hommage à 

Jocelyne Vaillancourt 

par  Luc Mercure

 Samedi 22 septembre 2018

« Quand j’ai recommencé à danser il y a dix ans, je connaissais Jocelyne de réputation, mais pas beaucoup plus. Je savais que son intérêt pour la danse folklorique ne s’était jamais démenti depuis que Jean Gravel lui avait communiqué sa passion, qu’elle avait pris la relève de ses cours à l’Université de Montréal, y enseignant d’abord avec Pierre Gingras jusqu’à ce qu’elle ait son propre groupe; je savais qu’elle avait participé à d’innombrables ateliers de danse au Québec et aux États-Unis, en Grèce, en Turquie, en Allemagne et ailleurs encore, pour appendre toujours de nouvelles danses à transmettre à son tour; comme ça ne suffisait pas à saturer sa mémoire exceptionnelle, qu’elle avait aussi, en parallèle, organisé elle-même des stages au Québec, que ce soit pour une fin de semaine ou une semaine complète (les super Folkoton, les Solstices, les Perséides et bien d’autres), avec des professeurs d’ici ou d’ailleurs; qu’elle enseignait aussi aux Éclusiers de Lachine, et bien sûr, qu’elle assurait régulièrement l’animation aux soirées de danses sur la montagne organisées par l’AMATP, dont elle avait assumé la présidence pendant quelques années, au tournant du troisième millénaire.

Tout ça était déjà impressionnant. 

Mais elle était, en plus, précédée d’une redoutable réputation comme professeur : elle enseignait rapidement un répertoire exigeant : mais j’aime parfois vivre dangereusement – j’ai même déjà embarqué dans son automobile, c’est tout dire –, alors je me suis inscrit à son cours.

Donc un soir de septembre 2008, je me rends à mon premier cours avec Jocelyne. Celle-ci donne le nom de la première danse qu’elle va enseigner, nous explique sa signification, décrit la région d’où elle vient, le contexte dans lequel elle est dansée, le nom du professeur qui la lui a enseignée, en quelle année, la couleur des chaussettes qu’il portait, et le poids exact, à trois grammes près, de la ceinture du costume traditionnel du village d’où cette danse provient. Je n’ai pas fait un seul pas que je suis submergé par ses connaissances; je panique évidemment, mais dès qu’elle se met à enseigner, je comprends pourquoi son groupe de fidèles la suit depuis des années : tout est parfaitement clair, détaillé, décortiqué, si bien que – et l’histoire se répètera de danse en danse, de semaine en semaine, de session en session –, ce qui me semblait impossible à exécuter au début du cours se révèle presque aisé. Au point que si elle dit pied droit et qu’elle avance le pied gauche, tout le monde part quand même avec le bon pied. Ça, ce n’est pas seulement être un bon prof; c’est être un prof exceptionnel. 

Elle enseigne donc, mais ce qui l’anime d’abord et avant tout, enfin je crois, c’est le plaisir de danser. Demandez à Serge ou à Yvon comment ils se sentent lorsqu’avec elle ils dansent un Rorospols ou une Polska. Et si elle ne performait que dans le Scandinave. Mais non. Elle est aussi à l’aise, tant comme danseuse que comme professeur d’ailleurs, avec les danses de la Baltique que celles de la mer Noire, de Macédoine ou d’Olténie, sans oublier ses incursions dans des répertoires moins conventionnels : baladi, flamenco, polynésien, bollywood, kwaito. Ah non? Pas le kwaito? Ça viendra bien. Avis à celui qui fera sa présentation au 80e de l’AMATP. 

Et tout ça avec l’élégance et la simplicité que tous vous lui connaissez. 

Elle fait bien d’autres choses encore : elle chorégraphie, elle brode, elle coud, elle chante, elle cuisine, avec le même éclectisme et la même excellence, des gyosas japonais aux mititei roumains en passant par les pastillas marocaines. 

Mais au-delà de ses talents aussi grands que diversifiés, ce qui me touche chez elle, et toujours plus au fur et à mesure que je la connais mieux, c’est son humanité et sa générosité – en sont la preuve le temps qu’elle consacre à tout ce qu’elle fait sans rien compter, et la place qu’elle accorde dans ses propres cours à des professeurs invités. Parce que c’est toujours la passion qui l’anime; ça se quantifie peut-être moins facilement que le nombre d’évènements auxquels elle a participé ou qu’elle a organisés, mais c’est sans doute plus important encore.

Jocelyne, tu m’impressionnes toujours autant qu’il y a dix ans, peut-être même davantage. Mais ce n’est pas l’admiration qui prime quand je pense à toi. 

Jocelyne, je t’aime infiniment. 

Et je ne crois pas me tromper en te disant qu’ici, nous sommes très nombreux à t’aimer. Et la reconnaissance que l’AMATP t’accorde ce soir, c’est aussi de ça qu’elle témoigne. »